Queyras : Sur les pas des Huguenots et des Vaudois

Queyras : Sur les pas des Huguenots et des Vaudois

CONTEXTE HISTORIQUE (court et long !)

COURT

LES VAUDOIS DU PIÉMONT, DES PROTESTANTS ITALIENS ENTRE HISTOIRE ET FOI

 

Habituée à résister à toutes les pressions, mais aussi à d’incessantes persécutions, démantelée à plusieurs reprises au cours de sa longue histoire qui débute au 12e siècle, l’Eglise Vaudoise a développé une identité forte, un sentiment d’appartenance à une minorité élue, et une conscience aiguë de son autonomie
Elle fait partie de la Fédération des Eglises protestantes d’Italie, qui compte quelque 250'000 personnes, soit un modeste pour cent de la population de la Péninsule. Autant dire une paille dans l’Italie catholique. Portrait d’un peuple-église qui peine à se faire entendre.

L'Eglise vaudoise n'a acquis une existence légale qu'en 1988. Tout au long de sa longue histoire, il lui a fallu sans cesse se battre pour sauvegarder sa foi et défendre les principes fondamentaux des fondateurs du mouvement apparu au 12e siècle déjà, qui se voulaient d’authentiques témoins du Christ et ne reconnaissaient qu’une autorité, celle de l’Evangile. Ce qui, en ce temps-là, était tout à fait subversif.

L’histoire des Vaudois commence à Lyon à la fin du 12e siècle. Vers 1170, un riche marchand lyonnais, connu tantôt sous le nom de Valdès tantôt de Pierre Valdo, fait vœu de pauvreté et prend son bâton de pèlerin pour prêcher l’Evangile en compagnie de quelques disciples. «Les Pauvres de Lyon», - c’est ainsi qu’on se met à les appeler - se veulent libres de toutes les contraintes que leur imposent les puissants de l’époque, aussi bien l’Eglise romaine que les riches, pour annoncer l’Evangile. Ils veulent vivre comme les premiers apôtres. Ce sont des citadins laïques, non violents, sans clergé, proches du peuple. Ils prônent la solidarité, leurs prédications sont simples et directes. Ils vont marquer l’histoire religieuse de leurs temps.

Cette minorité, qui a rapidement essaimé en Lombardie, soulève des problèmes de fond à l’Eglise de Rome qui les considère comme des hérétiques et les persécute durement. Les Vaudois se réfugient dans les vallées du Piémont et du Dauphiné, où ils vivent leur foi dans la clandestinité. Ils parlent un dialecte dérivé de l’occitan et deviennent des paysans, cloîtrés dans leurs vallées.

§La Réforme Au 16e siècle, après bien des persécutions, les communautés vaudoises choisissent de s’insérer dans la Réforme plutôt que de disparaître. C’est à cette épouque qu’elles publient la première Bible réformée, la Bible d’Olivétan, imprimée à Neuchâtel en 1535.

Suivent trois siècles de souffrances, de massacres, d’exclusion et de répression terribles. En 1655, la population les Vaudois du Piémont est écrasée. Il ne reste que quelque 3000 survivants, qui sont expulsés vers Genève. Il faut attendre 1848 pour que leurs descendants retrouvent leurs droits civiques et politiques et 1945 pour qu’enfin la liberté de conscience et de culte leur soit octroyée par la Constitution italienne.

§Diaspora Dès 1848, es communautés vaudoises sortent de leurs vallées piémontaises : évangélistes, colporteurs et instituteurs parcourent toute l’Italie pour prêcher l’Evangile. Des jeunes communautés se forment un peu partout, dans la péninsule et en Sicile, mais aussi en Uruguay et en Argentine. Les Vaudois se donnent une Faculté de théologie, créent une maison d’édition, se dotent d’écoles, vont se former à l’étranger, notamment à l’Ecole Normale de Lausanne, pour pouvoir ensuite enseigner à leurs enfants, construisent des hôpitaux, des orphelinats, des maisons de retraite. La communauté vaudoise, alors francophone, se met à l’italien. 

§Torre Pellice, capitale spirituelleTorre Pellice fait aujourd’hui figure de capitale spirituelle des Vaudois. C’est là que se tient chaque année le synode de l’Eglise vaudoise. Agape à Riesi ,dans une vallée voisine, créé au lendemain de la guerre pour travailler à la réconciliation entre les peuples, est devenu un haut-lieu du protestantisme international et œcuménique créé par le pasteur Tullio Vinay. Des générations de jeunes protestants venus des quatre coins de l’Europe y ont vécu des moments intenses.

La crise économique et l’émigration ont peu à peu dépeuplé les vallées vaudoises. Comme beaucoup d’autres Eglises, les Vaudois doivent faire face à la sécularisation de la société et à une érosion du nombre de ceux qui ont fait publiquement leur profession de foi et ne sont pas simplement « nés Vaudois ». Marco Bellora, le jeune directeur de la maison d’hôte de Torre Pellice, Vaudois natif de San Giovanni, a fait sa confirmation, habité de doutes. C’est en travaillant dans les bureaux d’une auberge vaudoise à Vintimille qu’il découvre que l’Eglise n’est pas seulement une réalité historique mais aussi une communauté vivante, qui cultive l’entraide et la solidarité. « Les gens qui venaient là, le faisaient par choix, non pas à cause de leurs racines ». Il se sent épaulé, il rencontre des gens ouverts sur le monde et porteurs d’une certaine lumière, il décide de s’engager dans son Eglise.

Pour Totti Rochat, femme de pasteur et fille d’une mère Vaudoise et d’un père natif de la Vallée de Joux en Suisse, le nouveau défi pour les Vaudois est un œcuménisme vrai et la solidarité avec les sans voix que sont par exemple les demandeurs d’asile. « Il nous faut nous remettre en question les uns les autres. Sur le plan œcuménique, je suis plus confiante en un dialogue véritable depuis Vatican ll. L’amour du prochain, la justice sociale et la paix ne peuvent se vivre qu’avec les autres Eglises. »

 

 

 

 

LONG ! 

Vaudois, Huguenots, protestants, sur les chemins de l’exil

 

Le Queyras vous propose un cheminement nouveau à travers ses vallées et les vallées italiennes voisines. Ce cheminement à pied, à VTT, ou par d'autres moyens, a pour thème un élément qui a fortement marqué à l'époque la vie de nos vallées : particulièrement l'exode des protestants après la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV en 1685.

Ce fascicule vous donne l'essentiel des bases historiques de cette histoire afin de vous permettre de mieux apprécier les éléments patrimoniaux que vous pourrez découvrir « sur les pas des Huguenots ». Ce circuit se rattache au Sentier International (France Italie Suisse Allemagne) reconnu par le Conseil de l'Europe comme l'un des itinéraires culturels européens « Sur le chemin des huguenots et des Vaudois ».

…Une histoire qui montre que nos vallées montagnardes n'ont jamais été isolées par rapport à la France et à l'Europe…

 

 

 

 

Les Vaudois

 

 

Au 12e siècle l'Église catholique occupe une place prépondérante dans la vie publique. Le Pape joue dans la cour des rois et des empereurs. Les évêques ont souvent le rang de princes : ils disposent d'un pouvoir temporel et de ressources fiscales, les curés bénéficient également de privilèges. Tout ce monde mène souvent grand train, l'église est riche. Le peuple, pour sa part est soumis à de nombreuses contraintes qu'une pratique religieuse stricte contribue à faire accepter.

Devant cet état de fait, un certain nombre de personnes s'interroge, particulièrement au regard des principes de l’Évangile.

Parmi eux, un certain Pierre Valdo (Valdès), un riche bourgeois de Lyon né vers 1140 qui, lui aussi, mène une belle vie. Mais il s'inquiète sur ce qu'il constate et pour le salut de son âme. Sur les conseils d'un ecclésiastique sérieux, il se décide à mettre sa vie en conformité avec l'enseignement du Christ. Il laisse une partie de ses biens à son épouse dont il se sépare et il fait don du restant aux pauvres. Devenu lui-même pauvre, il devient assez rapidement le chef charismatique d'un mouvement qui prend de l'ampleur, connu sous le nom des « pauvres de Lyon ».

Un autre personnage, à la même époque, mène une action semblable mais sans réellement contester le fonctionnement de l'Église catholique. Cette dernière en fera un Saint réputé connu sous le nom de Saint François d'Assise.

Pierre Valdo a un souci très fort de faire connaître et appliquer les préceptes de l'Évangile qu'il fait traduire dans la langue du peuple, sans doute en occitan à l'époque. Il se transforme également en frère prêcheur écouté, convaincant et influent. Il fait des émules, devient le chef d'un ordre prêcheur laïc dont l'influence s'étend rapidement au-delà de Lyon, surtout à partir 1177.

D'abord conciliant, l'évêque de Lyon, qui voit son autorité remise en cause, réagit brutalement en 1179 : Valdo est excommunié et chassé de Lyon avec sa communauté. Il se rend à Rome où il n'est pas réellement entendu : le pape Lucius III en 1184 déclare le mouvement hérétique et confirme la volonté de l'éradiquer.

Il faut dire que les mêmes causes produisant les mêmes effets, des mouvements semblables sont développés en Lombardie, en Languedoc, en Lorraine, dans les Flandres, en Allemagne, en Hongrie et progressivement dans une bonne partie de l'Europe. Ayant acquis une grande notoriété, Valdo en devient le coordonnateur et ces mouvements prennent le nom de « vaudois », nom conservé jusqu'à nos jours.

Partout où ils s’implantent, les Vaudois introduisent une pratique religieuse qui défend la pauvreté. Ils s’imposent à eux-mêmes une rigueur de vie et une probité qui attirent à eux de nouveaux adeptes mais qui remettent en cause l'organisation sociale en place.

De ce fait, à partir de la fin du 12e siècle, ils sont régulièrement condamnés par l'Église et l'Inquisition avec l'appui des princes et des autorités locales : excommunications, interdictions à diverses fonctions, expropriations, expulsions, exécutions des prédicateurs les plus influents. Un certain nombre doit quitter le pays pour se réfugier dans des lieux plus sûrs, comme par exemple dans les hautes vallées du Dauphiné.

On considère que ces pratiques ont duré trois siècles avec toutefois les remarques suivantes :

- les Vaudois n'ont laissé pratiquement aucun écrit et on les connaît surtout par les condamnations dont ils ont fait l'objet. Ils étaient avant tout des prédicateurs, des gens de la parole qui faisaient passer leurs messages par l'exemple de leur vie. Pour Pierre Valdès lui-même, sa trace se perd après 1184. Elu "supérieur général" des Vaudois, il a certainement sillonné l'Europe. Certains pensent qu'il est mort en Bohême après 1215.

- les Vaudois n'ont jamais mis en cause l'existence de l'Eglise et de son organisation. Par exemple ils pouvaient respecter le sacrement administré par les prêtres et ils n'ont pas cherché à organiser une église parallèle. Ils s'organisaient en communautés locales sous la responsabilité d'un prédicateur qui portait souvent le nom de « barbe ». Cette fonction de « responsable du respect des bonnes règles » était à durée limitée. Ils souhaitaient une évolution positive de l'Eglise de l'intérieur, à partir de leur exemple.

 

 

 

Les Vaudois dans le Queyras et les vallées voisines

 

Même si les documents historiques précis manquent, on sait que des Vaudois persécutés sont venus se réfugier dans nos vallées, particulièrement au 13e siècle : dans la vallée de Freissinières, dans le Queyras et dans les vallées voisines du Val Pellice Val Germanasca.

D'où venaient-ils ? quel était leur nombre ? Il est difficile de répondre. On peut penser au Piémont voisin ou encore la Lombardie ou le Languedoc. Ils n’étaient pas forcément très nombreux car ces vallées avaient déjà une population locale permanente bien implantée.

Leur règle de pauvreté, leur probité, leur force morale ont certainement facilité leur intégration. Le jeu des alliances et leur influence se sont traduits progressivement par la conversion d'une partie de la population locale, si bien qu'aux 14è et 15e siècles et selon les vallées, la population était majoritairement devenue vaudoise.

Le relatif isolement et l'autonomie dans lesquelles vivaient ces vallées a permis d'éviter les représailles, ou même l'extermination qui a pu frapper les Vaudois dans d'autres régions et explique leur persistance. D'autant plus que l'autonomie de ces vallées est devenu officielle en 1343 avec l'obtention de la " Charte des libertés" négociée avec le dernier prince du Dauphiné, le Dauphin Humbert II. L'autonomie obtenue, appelée République des Escartons au 19e s., avait été négociée par 5 communautés - Briançon, Queyras, Château-Dauphin, Oulx et Pragelas - et achetée pour 12000 florins or. Ces privilèges et conditions ont été maintenus après la vente du Dauphiné à la France en 1349. La gestion de base était assurée au niveau des villages par des assemblées de chefs de famille au sein desquelles aucune différence n'était faite entre vaudois-protestants et catholiques. Les « procureurs » responsables étaient désignés chaque année à tour de rôle.

Ce mode de gestion, bien que supprimé par la Révolution française, a très souvent persisté dans les faits jusqu'à nos jours sous la forme d’assemblées de village avec des corvées communes organisées.

Cette forme d’organisation des villages et des communautés qui s'est ainsi développée a permis que s'instaurent un bon équilibre et un esprit de tolérance entre vaudois et catholiques. La pratique vaudoise a pu ainsi se maintenir dans les hautes vallées du Queyras alors qu'elle avait progressivement disparu dans les autres régions sous l'effet de la répression.

 

 

 

 

LA FIN DES VAUDOIS MAIS LE MAINTIEN DU NOM

 

L'avènement de la Réforme protestante sous l'impulsion de Luther (1483-1546) en Allemagne, et Calvin (1509-1564) en Suisse et en France, pose un dilemme aux vaudois : ils constatent que ce mouvement de grande ampleur reçoit l'adhésion d'un nombre important de princes et aboutit à la création d'une nouvelle Eglise avec ses structures et ses responsables complètement séparés de l'Église catholique. Ils constatent aussi que les principes et les pratiques défendues sont proches des leurs.

C'est ainsi que lors d'un synode qui s'est tenu à Chamforan, dans le Val Pellice, en 1532, les vaudois ont décidé de s'intégrer dans les nouvelles structures qui se mettaient en place.

Depuis cette date, les Vaudois ont officiellement cessé d'exister pour devenir des protestants, mais l'appellation a continué d'être utilisée jusqu'à nos jours particulièrement en Italie. C'est ainsi que l'église protestante italienne a convenu de s'appeler « église vaudoise » et que les vallées qui jouxtent le Queyras continuent de s'appeler vallées vaudoises.

Maintenant, les Vaudois sont ouvertement en dehors de l'Église catholique et opposés à elle. Ici comme ailleurs, ils sont alors discriminés surveillés et combattus. Les barbes surtout devaient se cacher. Des actions militaires dures ont été conduites contre eux notamment en Vallouise et Freissinières, ou encore dans le Val Pellice. Contrairement à leurs principes, ils s’organisent militairement, se défendent et parfois contre-attaquent, comme en témoigne par exemple la démolition du clocher de l'église de Molines en 1585.

 

 

 

Les protestants ou huguenots ?

 

Trois 3 appellations synonymes désignent les adhérents des églises dites réformées qui se sont mises en place à partir du 16e siècle :

  • Le nom de protestants est celui le plus couramment utilisé en France. Ceux-ci se sont plutôt organisés à partir des enseignements de Calvin. On parle alors de calvinistes.

  • Le nom de huguenot Désignant les calvinistes français, le vocable « huguenot » est doublement d'origine genevoise, puisqu'il est apparu dans cette ville dans les années 1520-1525 par une double dérivation-altération du mot allemand Eidgenossen (les compagnons du serment, désignant les confédérés suisses) et du prénom personnel Hugues synthétisés en « eignots ». À Genève, en effet, le parti de l'indépendance hostile au duc de Savoie est dirigé, en attendant Calvin, par Hugues Besançon. Vers 1530-1535, le mot huguenot est déjà entré en France dans le langage courant : on sait que Guillaume Farel établit le protestantisme à Genève et que Calvin, en route vers Strasbourg, s'installe dans la ville en 1536. Ce sobriquet a d'emblée — comme celui de papiste — une signification péjorative

  •  

  • Les Réformés en Allemagne S’étant organisés à partir des enseignements de Luther, sont des luthériens.

  • Pour l'Italie on continue avant tout de parler de vaudois.

 

Les guerres de religions et l’Edit de Nantes

 

 

Pendant la deuxième moitié du 16e siècle, le royaume se déchire. L'apogée est atteinte avec le massacre de la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572, et l'assassinat de 3000 protestants.

Le roi de Navarre futur Henri IV et chef des protestants gagne plusieurs batailles, et par ailleurs se retrouve héritier du trône de France. « Paris vaut bien une messe » ! il se convertit au catholicisme pour devenir roi. De manière à arrêter les conflits, il fait adopter à Nantes en 1598, un édit de tolérance qui accorde aux protestants la liberté de culte, un certain nombre de droits et 144 places fortes. La paix revient dans le royaume.

 

 

Que s'est-il passé dans le Queyras et les vallées voisines à cette époque ?

 

 

Globalement la majorité de la population était protestante (50 à 70 % selon les vallées). Ce sont donc plutôt les partisans de ce clan qui ont dominé la situation. Mais le clan catholique, avec l'appui d'autorités extérieures (évêque d'Embrun, prêtres et chefs militaires), a pu faire prendre des mesures de rétorsion visant à interdire la religion protestante et entraînant des représailles de l'autre camp. Le fait le plus marquant est la prise de Fort Queyras par Lesdiguières le 10 octobre 1587 qui, aux côtés d'Henri IV, défendait le clan réformiste et a ainsi renforcé la domination protestante.

Le Queyras connait à cette époque des exactions, condamnations et destructions de temples, chapelles et églises, mais rien de comparable avec d'autres régions de France. L'édit de Nantes conforte également les réformées et ramène plus de tolérance et de sérénité.

Après l'assassinat d'Henri IV en 1610 et pendant le règne de Louis XIII, le pouvoir royal et l'Église catholique cherchent à affaiblir les protestants par la prise de leurs places fortes mais le Queyras reste à l'écart.

Cette politique s'accentue avec l'avènement de Louis XIV, et à partir de 1673 des mesures de représailles arrivent dans nos montagnes : interdiction de certaines fonctions, incitation aux conversions et interdiction du culte dans certains cas. À partir de 1680, la destruction des temples est décidée.

 

 

 

La révocation de l'édit de Nantes et ses conséquences

 

 

Le 18 octobre 1685, Louis XIV signe l'édit de Fontainebleau qui annule l'édit de Tolérance et instaure la religion catholique comment religion unique du royaume en application du principe « un roi, une loi, une foi ».

La religion protestante est interdite avec application immédiate : obligation de se convertir sous peine d’expropriation et radiation de la vie civile, expulsion des pasteurs, mais interdiction de quitter le royaume pour les autres sous peine de galères, baptême catholique des enfants et destruction de tous les temples.

Pour faire appliquer, cette décision Louis XIV fait employer la force armée avec le placement de « Dragons » à l'intérieur même des foyers. Ces méthodes ont poussé à l'exil de nombreux protestants vers d'autres pays plus tolérants ou accueillants. C'est ainsi que le royaume a perdu de l'ordre de 200000 de ses sujets parmi les meilleurs et les plus actifs : artisans, médecins, avocats, agriculteurs, etc. au grand bénéfice des pays d’accueil.

 

 

Impact dans le Queyras

 

 

Dès 1684 les temples sont vendus et démolis dans toutes les communes du Queyras. Seuls certains ensuite été reconstruits comme à Saint-Véran, Fontgillarde et Pierre grosse après 1787, puis Arvieux en 1885.

De nombreuses conversions contraintes ont été obtenues avec la présence des dragons dès septembre 1685 : par exemple 120 en 8 jours à Arvieux, et la majorité de la population de Molines. Avant la révocation la population, estimée à 6000 habitants vers 1680, était à 70-90 % protestante et 2 ans après on ne compte officiellement plus aucun protestant. Il semble que souvent, on se soit mis d'accord dans la fratrie : l'un se convertissait pour rester et conserver la maison et les biens, les autres partaient, en secret et au mieux avec une bête de somme, en direction des vallées voisines des Escartons restées plus tolérantes, par les cols les moins surveillés : col des Thures, Malaure ou Lacroix... difficile à savoir puisqu’il fallait ne laisser aucune trace.

L'espoir de retour vite écarté, des filières se sont organisées avec l’appui des paroisses Suisses et allemandes, donc via la Savoie, direction Genève et les alentours, puis vers l'Allemagne car des princes coreligionnaires avaient fait savoir qu'ils pouvaient offrir des terres. C’est ainsi qu’a été fondée par nos émigrés sur le sol allemand (Wurtemberg, Hesse, Bavière, etc.), une bonne trentaine de village maintenant devenus des localités florissantes. Ils ont apporté avec eux des savoirs inconnus des accueillants comme l'art de construire des voutes, de tricoter des chaussettes, de la dentelle, la culture des pommes de terre, etc.

Par exemple, les émigrés queyrassins ont fondé Wurmberg - environ 200 arrivées en 1699 et 3000 actuellement. Des émigrés d'Abriès ont fondé Carlsdorf dans la Hesse. Ils se sont progressivement intégrés mais leurs descendants n'ont pas oublié leur pays. L'idée de retour était présente dans leur tête. C'est ainsi qu'en 1687 le pasteur Henri Arnaud, également militaire, a organisé un retour depuis le Wurtemberg avec un millier d'hommes. En 3 mois, après beaucoup de péripéties et de batailles, 300 sont arrivés dans le Val Pellice. Mais leur réinstallation ne s'est pas faite dans de bonnes conditions et Henri Arnaud est revenu en Allemagne. Dans les vallées vaudoises, le sentier de "la glorieuse rentrée" témoigne de cet événement.

D'autres queyrassins ont poursuivi leur périple jusqu'en Hollande en Angleterre ou en Amérique.

Aujourd'hui des liens avec le Queyras se sont rétablis, notamment en 1985 avec l'opération « Retour en Queyras », renouvelée en 2007. Près de 800 descendants d'émigrés dont 600 allemands étaient venus retrouver leur terre d’origine. Depuis, des échanges se sont développées des liens se sont établis, entre autres par le jumelage entre le Queyras et Wurmberg.

 

 

Épilogue de cette histoire tourmentée et ce qu'il en reste

 

 

Il est certain que les protestants Queyrassins ont mal supporté cette période difficile. Bon nombre de ceux restés sur place, devenus catholiques par la contrainte, avaient gardé en eux leur foi qu’ils pratiquaient secrètement. Il a fallu attendre 1787 pour qu'un nouvel Edit rétablisse la tolérance. Enfin, la Révolution française a définitivement admis une liberté de conscience et de pratiques religieuses.

Actuellement il reste des protestants dans le Queyras, notamment à La Chalp et Brunissard sur Arvieux, à Saint-Véran à Fontgillarde et Pierre Grosse sur Molines.

 

 

Les témoignages patrimoniaux à découvrir

 

 

Cette histoire a laissé des traces qui souvent restent discrètes :

 

Brunissard regroupe l'ensemble patrimonial le plus complet du Queyras représentatif de la vie de village et de la vie religieuse avec :

  • La Chapelle protestante – ou chapelle évangélique - construite au 19e siècle qui a d'abord remplacé le temple démoli, et a servi d'école pour les enfants du village, l'un des soucis constants des protestants.

  • La chapelle catholique Saint-Pierre à 40 m construite pour les nouveaux convertis possède des fresques des années 1950 à voir.

  • La fruitière construite fin 19e pour permettre de valoriser le lait produit par le village.

  • Le four à pain du village encore utilisable, surmonté de son Campanile qui servait à rassembler l'assemblée gestionnaire des affaires de Brunissard.

  • L'école Jules Ferry fin 19e siècle transformée en musée de l'école.

À Arvieux chef-lieu :

  • le temple -le plus grand du Queyras- reconstruit en 1885 sur l'emplacement de l'ancien avec le cimetière protestant autour.

  • L'église du 16e-17e siècle avec son clocher, monument classé dont la restauration a été récemment achevée. Ses fresques intérieures redécouvertes sont à voir.

Sur Château-Queyras

  • le fort Queyras, du 12e siècle, d'abord en défense contre les Français puis remanié par Vauban au 17e siècle. Emblème du pouvoir extérieur dont la visite est intéressante.

  • Église baroque du fin 17e siècle

  • le temple n'a jamais été reconstruit.

À Ville Vieille demandez à voir l'armoire aux 8 serrures de 1776 emblématique du fonctionnement de l’Escarton du Queyras.

A Molines l'église a vu son clocher détruit par les protestants, signe de l'époque troublée. Les temples de Fontgillarde et Pierre grosse sont authentiques de la foi huguenote, très bien conservés et entretenus.

À Saint-Véran il faut visiter le village emblématique des constructions en montagne et de leur organisation. L’église baroque a été confortée sous Louis XIV. Le temple plus bas à l'entrée du village a été reconstruit un siècle après la révocation.

À Aiguilles il ne reste rien de la vie huguenote. Le village chef-lieu de canton est représentatif des constructions modernes avec le retour des émigrés américains à la fin du 19e siècle.

 

Abriès et Ristolas sont des villages reconstruits après les incendies de la dernière guerre. Il ne reste rien des temples ou autres patrimoines huguenots.

 

Pierre Blanc – Président de l’association « Retour en Queyras »

 

Base historique pour le circuit à thème et le rattachement du Queyras

au « chemins des Huguenots et des Vaudois »

Bibliographie

 

- Brève histoire du protestantisme en Queyras par Jean-François Bergouignan, édition transhumance, 2011

- Les Vaudois et l'Inquisition par Thomas De Couzon, 1908

- Pierre Valdo par Jean Jalla édition Edipro, 2015

- Dispersés à tous vents, l'exode en Allemagne des protestants du Queyras par Eugène Bellon Société d'études des Hautes-Alpes, 1981

 



02/07/2019
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